Qui fait quoi: Article sur Ainsi va Manu

Ainsi va Manu - Josiane Blanc et Ania Jamila
Ainsi va Manu - Josiane Blanc et Ania Jamila

Retranscription de l’article

NÉE À MONTRÉAL, JOSIANE BLANC VIT À TORONTO DEPUIS 2015. LORSQU’UNE OCCASION SE PRÉSENTE À ELLE POUR DEVENIR RECHERCHISTE AUPRÈS DE TFO, LA RÉALISATRICE ÉTABLIT DOMICILE DANS LA VILLE REINE. SIX MOIS APRÈS SON ARRIVÉE, ELLE PROPOSE LE PROJET « JEUNES D’EXCEPTION (AMAZING TEENAGERS) » À SON PRODUCTEUR, QUI LUI DONNE LE FEU VERT POUR TOURNER DE COURTS REPORTAGES DOCUMENTAIRES SUR DES ADOLESCENTS EXCEPTIONNELS À TRAVERS LE CANADA. C’EST LÀ QU’ELLE DÉCIDE DE CONSACRER SA VIE À LA RÉALISATION ET CONCRÉTISE, TOUJOURS AVEC LA MÊME ENTREPRISE, UN AUTRE PROJET.

Par Frédéric Bouchard - Juillet/Août 2021 (Magazine Qui fait quoi)

En 2017, elle commence à travailler à son propre compte. Deux ans plus tard, elle s’associe avec l’Office national du film du Canada pour réaliser Contes d’une grossophobie ordinaire, court métrage documentaire qui examine les effets psychologiques de l’intimidation et de la discrimination basée sur le poids chez les adolescents. Au même moment, elle fonde sa boîte de production Diversified Voices et obtient une bourse Talents en vue et du financement de la part de Créateurs en série pour concrétiser Ainsi va Manu, une série Web promise à Unis TV coproduite avec Ania Jamila (Luve Films).

Se déroulant à Toronto, le récit s’attarde au personnage-titre, une adolescente menacée d’être évincée de son appartement avec sa famille par un constructeur immobilier. C’est d’ailleurs la crise du logement, devenu un problème pour tous et toutes, qui est derrière le concept de ces sept épisodes. La rénoviction, qui consiste à expulser un locataire pour rénover l’appartement et doubler le prix du loyer, est un phénomène qui n’est pas aussi réglementé qu’au Québec, note la réalisatrice d’origine haïtienne. « J’ai eu envie de parler de cet enjeu à travers le regard d’une adolescente parce que je voulais ramener la jeunesse dans la discussion. Elle commence à comprendre ce qui se passe et se sent impuissante. L’idée était de ramener la fougue, cette idée que les jeunes peuvent tout combattre », explique-t-elle.

Ainsi va Manu, série militante alors? Josiane Blanc croit que d’une certaine façon son engagement face au désir de provoquer du changement à travers ses oeuvres transparaît certainement à travers l’héroïne qu’elle met en scène. «L’objectif est de présenter cette idée que nous pouvons passer à l’action», indique-t-elle. Avouant que le désir de développer des projets francophones dans une ville où la langue française est minoritaire ne pose pas nécessairement de problème en soi, Josiane Blanc constate plutôt que le défi se joue du côté de la distribution des rôles. Avec ce premier projet de fiction où les jeunes sont mis de l’avant, elle s’est rapidement retrouvée confrontée au faible bassin de comédiens moins âgés, expérimentés devant la caméra et résidant à Toronto. Si la plupart des acteurs et actrices viennent au final de l’Ontario, quatre comédiens, dont Cindy Charles qui tient le rôle principal, sortent de Montréal. «Elle comprenait très bien le rôle, souligne la réalisatrice. Elle avait fait deux ans de figuration avant d’obtenir ce premier rôle. Elle est un peu plus vieille que le rôle, mais elle a un talent naturel devant la caméra.»

Tournée en temps de COVID-19 durant 18 jours, la série a bien sûr rencontré son lot de défis, notamment celui de dénicher un lieu de tournage en respectant des paramètres budgétaires réalistes. «À Toronto, tout le monde croit que lorsque nous faisons des films, nous avons plein d’argent. Plusieurs productions américaines viennent s’établir ce qui fait que des édifices demandaient 40000$», rapporte-t-elle. À la suite de recherches en ligne, Josiane Blanc et sa collègue Ania Jamila ont pu compter sur la générosité d’une propriétaire sur le point de vendre son immeuble. « Alors nous avons filmé là », précise la réalisatrice. Au terme de cette première expérience en fiction, les deux productrices ont décidé de sceller leur collaboration. Après avoir chacune fondé sa propre maison de production, elles ont finalement choisi d’unir leurs forces pour démarrer une nouvelle boîte conjointe: Productions Sahkosh. Au fil de leurs projets, elles souhaitent mettre l’accent sur des récits à caractère social ainsi que sur la représentation de la diversité, tant devant que derrière la caméra. «Pas dans le sens de mettre une personne noire dans le coin à droite, mais donner de la place à un éventail de personnes pour des rôles diversifiés qui ne mettent pas les gens dans ces cases », détaille Josiane Blanc. Ainsi va Manu en est le parfait exemple: certes, la famille au centre du récit est noire, mais elle aurait pu être de n’importe quelle origine. «Quand nous avons fait notre casting, c’était un casting ouvert», glisse-telle au passage. Autrement, le duo de productrices vient d’obtenir l’aide du Fonds indépendant de production pour Invisible, un projet de websérie que la réalisatrice coscénarise avec Ania Jamila. Elles attendent également la confirmation d’une collaboration avec TFO pour JE VIS ICI – en région éloignée et insulaire, une série documentaire jeunesse coproduite avec Marie-France Laval. «Nous avons aussi une coproduction internationale en développement avec une boîte en France. C’est un projet environnemental!», conclut-elle.

Photos de coulisses: James Paul Correia

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L’Express: La rénoviction vue par les adolescents